L'honneur perdu du Quai d'Orsay

La décision rendue le 12 avril, de remettre un titre de séjour à mon épouse, met un terme à un bras de fer de près de quatre ans (août 2020 – avril 2024) avec l'Administration – et la dit-plomatie française en particulier. Même si le ministère de l'Intérieur ne pouvait pas reconnaître à mon épouse le statut de "parent d'enfant français" que lui dénie le ministère des Affaires étrangères, il lui a bel et bien délivré le document que les dix plomates s'obstinaient à lui refuser pour la seule et unique raison de son "appartenance ou sa non-appartenance à une nation" – un des marqueurs du racisme le plus vil, tel que défini et puni par une loi portée par le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) et adoptée à l'unanimité du Parlement 1er juillet 1972. De ce fait, Beauvau inflige un sérieux camouflet au Quai d'Orsay, tout en lui sauvant la face…

Non seulement mon épouse est – depuis bientôt cinq ans – la mère biologique d'un enfant né d'un père français et de ce simple fait "parent d'enfant français", dont l'acte de naissance a été enregistré sur les registres de l'état-civil français à Hanoï, mais elle est également la maman d'un second enfant, né en juillet 2014, élevé comme son fils depuis septembre 2019 par cézigue qui l'a reconnu comme tel en juin 2023. Cerise sur le gâteau : ce petit garçon qui porte mon nom (comme sa sœur) a choisi de franciser son prénom en Louis, qui fut celui de pas moins de dix-huit rois de France, sans compter Clovis, le premier d'entre-eux.

 
Consulat de France à Saïgon (© Phúc Mã)

Bien sûr, du haut de ses 10 ans, l'enfant perçoit le rejet dont lui et sa mère sont l'objet. Exactement comme, dans les années 1970, les familles des travailleurs immigrés autorisées à le rejoindre – dans le cadre d'un "regroupement", comme l'on dirait pour du bétail – ont pris conscience de la façon dont le père était traité. Ce rejet est constitutif de tous les problèmes que pose aujourd'hui l'immigration : comment espérer que ces populations s'intègrent dans une société qui les rejette ? Cinquante ans plus tard, les crétins formés par l'ENA n'ont toujours pas appris la leçon. Pis, ils enfoncent chaque jour le clou un peu plus profond au risque de précipiter le pays tout entier dans le chaos. Nous y sommes. 

Et comme il est hors de question pour eux de reconnaître leurs erreurs ou de remettre en cause la politique de regroupement familial décidée par Giscard sans embraser la société, ils optent pour le harcèlement et l'humiliation, espérant ainsi dissuader les uns et inciter les autres au retour. Faut-il qu'ils soient à ce point coupés de la réalité !

Comment attendre une vraie politique de l'immigration d'esprits déjà trop étroits pour distinguer l"'immigré" de l'"étranger". Incapables de dépasser le rapport maître-escalve adopté dès le XVIIIe siècle en découvrant l'Afrique "sauvage", ils prennent un plaisir sadique à humilier les sous-humains qui osent frapper à la porte, ne traitant pas des demandes, mais des doléances. Ils en ricanent au cocktail du soir en s'empiffrant de Ferrero Rocher. Dès lors qu'une famille compte un étranger, elle devient une famille étrangère et se voit traitée en conséquence. Un tel manque de discernement les rapproche de la folie.

S'ils refusent de partager avec leurs "nationaux" les richesses produites, ce n'est pas pour en faire profiter des miettes des "Barbares" ! Parce que bien sûr, il n'y a d'autre raison de venir en France que de vivre aux frais de la princesse. Grassement de préférence. Sont-ils à ce point obsédés par le fric qu'ils n'envisagent pas que l'on puisse se déplacer pour le simple plaisir de découvrir, d'étudier, de se cultiver, de partager un peu de bonheur ? La migration relève forcément du pillage, peut-être parce qu'eux-mêmes n'ont jamais eu d'autre projet que celui de piller le reste du monde – et l'Afrique en particulier. Il n'y a que le fric – le pognon. Toutes les agences mises en place depuis la Seconde Guerre mondiale pour organiser la solidarité nationale, le partage : CPAM, CAF, les caisses de retraite et, bien évidemment, France-Travail (l'ex ANPE) ont été détournées de leur mission pour devenir les piliers de leur "société de contrôle". 

Nous n'avons donc pas été surpris d'apprendre par la CPAM, le 18 octobre 2023, avoir fait l'objet "d'un signalement de la Direction des finances publiques". Inutile d'être Grand Clerc pour comprendre d'où venait la dénonciation ; à défaut de fraude, il fallait jeter la suspicion selon le bon vieux principe : "Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose." Après la Sécurité sociale, ce fut au tour de la Caf, puis de la CARSAT (la caisse de retraite) ; nous sommes à leurs yeux devenus des suspects qu'il faut tenir à l'œil. Bien sûr qu'il y a des abus. Bien sûr qu'il y a des profiteurs. Tout le monde aura compris que ces profiteurs, ces fraudeurs leur sont bien trop utiles pour être sanctionnés. Au contraire, la fraude justifie la réduction du "ruissellement" des richesses vers ceux qui les produisent ; comme le chômage est une arme de destruction massive des salaires.

En appliquant à une famille française des règles à l'origine destinées à des étrangers, le proconsul de France à Saïgon nous a envoyé un message très clair : la politique appliquée un jour aux uns s'appliquera demain aux autres. Accepter une politique qui discrimine aujourd'hui les uns, c'est accepter d'en être demain les victimes. En quatre ans, les dit-plomates représentants la France à Saïgon et Hanoï m'ont soupçonné d'être un passeur de clandestins, un trafiquant d'enfants [1] ; un proxénète peut-être tant ils nous ont signifié la piètre opinion qu'ils avaient de ma compagne – une jeune-femme trop bête pour savoir comment elle s'appelle. Ils m'ont très sérieusement menacé de poursuites pénales, m'accusant de tenter d'obtenir frauduleusement pour sa maman, un titre de séjour qui lui permettrait de bénéficier de prestations sociales ; toujours le fric. Il en fallait plus pour m'impressionner : en 2020, l'affaire s'était dénouée comme dans n'importe quelle République bananière : l'intervention non-sollicitée d'un tiers – un courriel à son copain consul – avait débloqué la délivrance d'un passeport et des visas. Le corps dit plomatique n'a plus aucun honneur et c'est peut-être la raison pour laquelle, en avril 2022, le chef d’État a signé le décret prononçant sa dissolution.


[1] Tous les détails de cet épisode ont fait l'objet d'un ouvrage : Les Franquignols (Sipayat, 2012).
La première partie de ces mésaventures à été narrée ICI.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Votre calendrier 2025 sous le signe du Mekong

Le guide du roublard : le livre qui tient la route

1974-2024. L'Amour au temps des œillets rouges