Journal d’un prisonnier, de Nicolas Sarkozy
Il ne fallait pas passer à côté de ce coup d’édition autant que médiatique. Fort heureusement, ces 216 pages se lisent vite et ne demandent pas trop d’effort intellectuel. Le texte est d’un niveau collège, voir collège -. Sa publication nous confirme la fracture béante entre la classe politique et la société qu’elle prétend représenter. Dès les premières pages, Nicolas Sarkozy se dit surpris de se découvrir haï. Et on peut le comprendre : comment est-ce Dieu possible, alors qu’il ne peut pas faire un pas dans le XVIe arrondissement de Paris, à Neuilly et même au Parc-des-Princes sans être acclamé !
La première impression que laisse le livre du prisonnier 320535, c’est le décalage abyssal entre cet homme et la réalité. Le livre aurait pu s’intituler : à la découverte de la vraie vie ! Quand bien même François Hollande a fait oublier Sarko et Macron Hollande, Nicolas Sarkozy restera le petit roquet arrogant qui aura fait de l’intolérance sa marque de fabrique et des paillettes son seul plaisir.
Contrairement à son discours (« La prison m’a profondément changé » ; en trois semaines, il a appris la modestie) Sarko se complet dans son costume d’aristocrate parvenu. De la première à la dernière ligne de son livre, il fait de son procès et de son incarcération une affaire personnelle. Oui : il a été jugé, condamné et incarcéré… mais aussi libéré au bout de trois semaines ! Cela suffit-il à dire que la terre entière lui en veut ? Se placer en victime n’en fait pas pour autant une victime. Comment ne pas sourire devant les jérémiades de celui-là même qui a éradiqué la présomption d'innocence au bénéfice de la suspicion de culpabilité et se trouve pris dans les griffes de sa propre politique ?
Sarkozy commet la même erreur que bon nombre de justiciables : nul n’est sujet, seulement l’objet de son affaire judiciaire (sauf peut-être aux Assises). L’institution a d’abord appliqué la Loi. Avec malice ? Délice ? Sadisme ? Peu importe. Contrairement à ce qu’il claironne, Maître Sarkozy, avocat, le sait, reconnaissant dans son « récit de captivité » que, dans l’organisation de sa défense, il a sous-estimé l’aspect juridique du dossier – le seul qui vaille, le seul sur lequel s’appuie la décision des juges. Le procès n'est qu'un débat d'experts. Un débat de droit, seul sujet d'importance. L’institution judiciaire n’a fait qu’ordonner de manière implacable les pièces d’un puzzle mises à sa disposition par le législateur, avec toute la rigueur voulue par ce dernier à la demande d’un exécutif présidé en son temps par… le même Sarkozy.
Cela devrait le faire réfléchir, lui et ses pairs. La décision rendue à l’encontre de Nicolas Sarkozy reflète d’abord l’état de la société au nom de laquelle elle a été prononcée : une société dans laquelle il n'y a plus de discernement, où l’intolérance fait force de Loi, mais où elle ne serait pas ou ne devrait pas être la même pour tous. Car c’est in fine ce que pense Nicolas Sarkozy – et il l’écrit.
La société – et par ricochet l’institution judiciaire – est bien malade, mais ces trois semaines à La Santé n’ont pas suffit à Nicolas Sarkozy pour en prendre conscience. Ses atermoiements n’y changeront rien et, surtout, ne le rendent pas plus sympathique.
En lisant ces pages, comment ne pas penser à ces centaines de milliers citoyens qui, un jour, sans trop savoir comment, se retrouvent à la barre, seul face au rouleau compresseur de l’institution judiciaire que rien ni personne n’arrêtera… qui sortiront du tribunal à tout jamais brisé et auront le reste de leurs jours pour se demander pourquoi ? Pour s'habituer – si tant est que l'on puisse s'y habituer – à ce sentiment d'injustice dont, jusqu'à peu, Nicolas Sarkozy se fichait comme d'une guigne.
Le seul intérêt de ce Journal d’un prisonnier résidait – à défaut de proposer un remède miracle – dans une prise de conscience. Non ! L'auteur a préféré le cantonner au mélo : Nico et Carla séparés quelques jours, après dix-huit ans de mariage ! Comment survivront-ils se demandera le lecteur ? Grâce à la lecture (ça n'ira pas jusqu'à La Princesse de Clèves)… Aux yaourts aussi. À la marmaille, surtout : Giulia saura sécher ses larmes et remonter le moral de sa mère ; Louis et Jean, solides comme des rocs, protéger dieu-le-père.
On en viendrait presque à oublier l’occasion en or donnée à Sarko par l’institution judiciaire, de profiter de son incarcération pour « nettoyer la racaille au karcher » ; une promesse (une de plus) que notre pauvre Calimero s’est bien gardé de tenir. C’était pourtant le lieu !
Le Journal d'un prisonnier, de Nicolas Sarkozy (Fayard, 2025)
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