Chroniques de la décadence – 01
Mais quelle galère pour trouver à se loger ! Qu'est-ce qui peut bien nourrir la paranoïa des bailleurs ? Le premier peigne-cul venu vous ordonne dans un français parfois approximatif de produire vos deux derniers avis d'imposition, trois derniers bulletins de salaire, la carte vitale, le carnet de santé… Le carnet de santé !!! Parce que le mec est médecin ? Ah, il n'y a plus de secret médical ! et pour certains : un extrait de casier judiciaire ! Le casier judiciaire !!! Ben oui, quoi ?
Et comme si cela ne suffisait pas… il vous faut également un garant. Ah vous n'avez pas de garant ? "Pas de garant, pas de lolo", qui vaut bien le : "Pas de cul-cul pas de toto" des années 70s ! Il faut "rassurer" le bailleur, "sécuriser" son "dossier" explique sur son site l'Agence nationale d'information sur le logement (Anil). Pour trouver un logement, il ne suffit pas, comme pour un boulot, de traverser la rue ! Il faut montrer patte blanche. Un logement se "mérite", ce n'est certainement pas un "droit" comme le prétendent les cathos de gauche.
À l'origine, le garant se portait caution du benêt mal dégrossi et bien souvent encore puceau, que la famille envoyait à la ville poursuivre ses études à l'université ; sauf exception rarissime, le garant était un proche parent. Aujourd'hui, cela ne pose aucun problème au même puceau de demander un garant à un homme et une femme qui pourraient être ses parents – voire ses grands-parents !
Je connais un papy à l'approche de ses 70 ans, obligé de recourir à une mamie de deux ans son aînée pour pouvoir emménager dans une maison on ne peut plus vétuste dans la campagne orléanaise. D'accord, le Loiret est un département peu fréquentable. Y ont élu domicile des Jean-Marc Rouillan (très bonne plume), Alain Delon (très bon acteur), Jean-Luc Mélenchon (très bon tribun), Dany Boon (très bon ch'ti), Marion Cotillard (très bonne actrice)… pour n'en citer que quelques uns.
Bref, à la demande d'une société très prudente (Pargest pour ne pas la citer) notre mamie a dû s'engager à hauteur de 60.000 € pour que papy ne dorme pas dehors. Mais c'est bien connu : le détroussage de vieux est, en France, un sport très prisé et sans risque (j'en ai déjà parlé ici-même). Vu l'état de la baraque, je ne serais pas surpris qu'ils aient des surprises au moment de l'état des lieux de sortie, tant il est évident que point n'est besoin d'une caution de 60.000 € pour couvrir un loyer de… 750 € (80 mensualités) !
« Depuis la loi Boutin du 25 mars 2009, le cautionnement ne peut plus être demandé par un bailleur qui a souscrit une assurance garantissant les obligations locatives du locataire dite assurance « loyers impayés »
Une assurance "loyers impayé" – la fameuse GLI (Garantie loyers impayés) – aurait été tellement plus simple, si la question avait été de se prémunir contre le mauvais payeur potentiel ! La prime d'assurance aurait même pu être portée au débit du locataire.
Qu'en est-il d'ailleurs de ces mauvais payeurs ? Il y a quelques années déjà, en cherchant des chiffres – car depuis près de vingt ans, l'auteur de ces lignes est également bailleur –, je n'en avais trouvé que pour le secteur social en Seine Saint-Denis (93), département peuplé dit-on par une des populations les plus précaires de France. De mémoire, le taux d'incidents de paiement dans le parc public était de l'ordre de 4 à 5% !
En fait, ces chiffres semblent être en phase avec la réalité. Dans une note diffusée sur son site, le 4 novembre 2024, la société SGL Immobilier écrit :
« En Île-de-France et dans les principales métropoles, le taux d'impayés de plus d'un mois a légèrement reculé : il est passé de 3,60 % en septembre 2023 à 3,52 % en septembre 2024 et dans les grandes villes hors Île-de-France, de 3,58 % à 3,55 %. » (source)
Toujours selon SGL : « Dans les zones rurales et périurbaines, la situation est plus complexe : les taux d’impayés de plus d’un mois y ont franchi la barre des 4 %, contre 3,90 % l’année précédente. » SGL ne constate qu'une seule modification notoire : « Le taux des relances à J+5, passé de 6,12 % en mars 2020 à près de 20 % en 2024. »
En d'autres termes : les locataires ne sont pas de mauvais payeurs – plus de 96 % honorent leurs engagements –, certains se trouvent un peu plus serrés financièrement depuis l'épisode Covid. C'est là que la Garantie des loyers impayés prend toute son importance, selon SGL… qui à aucun moment ne parle de « garant ».
Dans le secteur du logement, comme dans bien d'autres, la société française, à défaut d'avoir le courage (et les idées) pour s'attaquer au problème posé par quelques uns (ici 4 %), préfère s'en prendre aux 96 % de braves gens qui, quand bien même ils rencontreraient des difficultés passagères – mais qui peut prétendre en être à l'abri – ne demandent qu'à vivre en paix ! Première conséquence : la relation entre locataires et propriétaires, sur laquelle les bailleurs professionnels jettent de l'huile, en poussant les premiers à la faute – a rejeté les deux camps sur les bords d'un gouffre infranchissable. Plus personne ne fait confiance à personne, la rupture est consommée. Chacun considère l'autre comme un truand.
L'organisation d'une visite

Paris, le 7 septembre 2019. Pendant quarante minutes, nous avons attendu
parmi des dizaines d’autres candidats pour visiter une studette située dans la capitale.
© Photo et légende Le Parisien / Aubin Laratte
Depuis le rapport Nogal (juin 2019), au moins de deux projets de loi ont été déposés pour apaiser le climat : un premier en février 2020 (ici), un second en janvier 2024 (là). Rien n'y fait ! À se demander à quoi servent les députés, qui nous coûtent quand même un pognon de dingue ! Devant les exigences des propriétaires, les candidats à la location (qui de surcroit ne sont pas dupes sur les chances de récupérer leur caution) n'hésitent plus à mentir. Dans une enquête réalisée au printemps 2020, 97 % des propriétaires disaient craindre la falsification des dossiers des locataires (source). C'est marrant comme le chiffre de 97 % de propriétaires suspicieux correspond, au chiffre près, aux 96 % de locataires… qui payent régulièrement leur loyer ! Or sans un minimum de confiance… il n'y a pas de société possible. Et les Français n'ont pas eu besoin des immigrés pour y parvenir…
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